Bestiaire aquatique surréaliste
Au cours de ma première année de master, nous avions pour mission de rédiger un mémoire portant sur un sujet libre, au choix. J’ai décidé de me lancer dans un projet original et créatif en concevant un tarot divinatoire inspiré du jeu de cartes divinatires Lenormand, mais avec une approche résolument surréaliste. Ce travail m’a permis d’allier à la fois mes intérêts pour l’ésotérisme, l’art et l’imaginaire, tout en explorant de nouvelles façons de réinterpréter un système divinatoire traditionnel.
C’est donc dans la continuité de cette démarche créative et exploratoire que je souhaite orienter ce nouveau projet autour de la réalisation d’un bestiaire consacré aux animaux aquatiques imaginaires. Mon objectif est de donner vie à ces créatures fantastiques, en mêlant imagination et inspiration, pour créer un univers visuel et narratif riche et original. Pendant mes vacances d’été, j’ai profité du temps libre pour commencer à esquisser une première ébauche de ce livre. Ces premiers essais m’ont permis de poser les bases du style graphique ainsi que des descriptions, tout en explorant différentes formes et caractères pour ces animaux fictifs. Ce travail préliminaire m'a permis d'avoir un premier visuel d'ensemble sur le livre.
Mes animaux seront inspirés des bestiaires médiévaux surréalistes comme sur l'image ci-contre.
Lorsque j’ai imaginé mon livre d’artiste, l’idée d’un ouvrage à double couverture s’est imposée à moi comme une évidence. Je souhaitais créer un objet à la fois ludique, poétique et visuellement surprenant. Mon intention était de concevoir un livre que l’on puisse ouvrir aussi bien par la gauche que par la droite, chaque sens de lecture proposant une expérience différente. Du côté gauche, j’avais envisagé de placer, sur chaque page, une tête d’animal aquatique ; tandis que du côté droit, figureraient des corps. Ainsi, en feuilletant le livre, le lecteur pourrait associer librement les têtes et les corps, donnant naissance à des créatures marines surréalistes, hybrides et parfois inattendues.
Cette structure à deux entrées ouvrirait la voie à une infinité de combinaisons possibles, transformant la lecture en véritable jeu d’exploration visuelle. Le lecteur deviendrait alors acteur de l’œuvre, créant lui-même des associations et des formes nouvelles. J’aimais particulièrement l’idée que ce livre puisse séduire aussi bien un jeune public, amusé par la dimension ludique et fantastique, que des adultes sensibles à la richesse graphique et à la réflexion sur le corps, la métamorphose et l’imaginaire.
Ce concept, à la croisée du livre d’artiste et du jeu de création, traduisait parfaitement mon envie de concevoir un objet à la fois artistique et interactif, capable de susciter curiosité et émerveillement à chaque page tournée.
Dans ma démarche de création du livre d’artiste, j’ai entrepris un travail de recherche approfondi afin de trouver des solutions permettant d’enrichir l’ouvrage, aussi bien sur le plan visuel que matériel. Mon objectif était d’ajouter de la matière au livre, de lui donner une dimension sensorielle et physique qui dépasse la simple lecture. Au fil de mes recherches, je me suis penché sur différentes approches artistiques et techniques liées à la fabrication du livre. C’est en découvrant l’ouvrage de Catherine Liégeois, L’art du livre tactile, que ma réflexion a pris une nouvelle direction. La lecture de ce livre m’a ouvert à un concept tout à fait différent de celui que j’envisageais au départ : celui d’un livre qui ne se contente pas d’être vu, mais qui se ressent, se touche, s’explore par la texture et la matière. Cette perspective m’a conduit à repenser la manière dont le lecteur interagit avec l’œuvre, en intégrant la dimension tactile comme élément central de l’expérience artistique.
Le gaufrage est une technique que j’aimerais particulièrement explorer, car elle me semble idéale pour exprimer des notions telles que la trace, l’effacement et la fragilité. Par le jeu des reliefs et des creux, elle permet de suggérer la présence et l’absence, la mémoire d’un geste ou d’une empreinte, sans recours direct à la couleur ou au dessin. N’ayant encore jamais expérimenté cette méthode, je préfère dans un premier temps travailler sur des cartes indépendantes plutôt que sur un carnet complet. Cette approche me laisse une marge d’erreur plus confortable et une plus grande liberté d’expérimentation. En effet, si une carte ne me satisfait pas ou si le gaufrage échoue, il me sera facile d’en recommencer une nouvelle sans compromettre l’ensemble du projet. À l’inverse, un carnet relié, composé de feuillets liés entre eux, m’exposerait à une perte de temps considérable en cas d’erreur, puisque chaque page serait directement intégrée à la structure du livre. Cette méthode progressive me permettra donc d’apprivoiser la technique, d’en comprendre les subtilités, et de mieux anticiper la manière dont elle pourra s’intégrer harmonieusement à l’œuvre finale.
Mon objectif est donc de concevoir un bestiaire réalisé entièrement en gaufrage sur des cartes indépendantes. Chaque carte représenterait un animal, réel ou imaginaire, dont la forme et la texture seraient suggérées uniquement par le relief, sans encre ni couleur. Cette technique permettra de donner vie à un bestiaire à la fois subtil et évocateur, où la matière elle-même devient le moyen d’expression.Le principe du jeu restera central dans ce projet : les cartes pourront être combinées, déplacées ou associées différemment, permettant ainsi la création d’animaux surréalistes, hybrides et inattendus. Cette liberté d’assemblage prolonge la dimension ludique et expérimentale du livre d’artiste, tout en soulignant l’idée de métamorphose et d’imagination propre à l’univers du bestiaire.
Pour concrétiser ce projet, il me faudra concevoir une reliure modulable, pensée de manière à pouvoir retirer et replacer librement les différentes cartes. Ce système permettra de modifier l’ordre des images, d’en ajouter ou d’en retirer selon les besoins, et ainsi de conserver une grande souplesse dans la composition du bestiaire. Cette approche s’accorde pleinement avec l’esprit ludique et évolutif du projet, où chaque manipulation devient une forme de création en soi.
L’image ci-contre constitue un exemple particulièrement représentatif de l’esthétique et de l’esprit que je souhaite atteindre dans ce projet. Elle illustre à la fois la subtilité du relief, la présence de la matière et la dimension sensible que j’aimerais retranscrire à travers mes propres expérimentations. Cette référence m’aide à affiner ma réflexion sur la relation entre le toucher, la forme et la perception visuelle, des éléments essentiels à la construction de mon bestiaire en gaufrage.
Le gaufrage est un procédé d’impression qui consiste à presser une matrice ou un moule dans un matériau, le plus souvent du papier, afin de créer un motif en relief sur une de ses faces. Cette technique donne ainsi naissance à un effet tridimensionnel, jouant subtilement avec la lumière et la texture de la surface. Le gaufrage peut être réalisé de différentes manières : soit par pression mécanique, soit par application de chaleur, à l’aide d’une machine spécialisée. Selon la nature du support et la profondeur du relief souhaitée, il est possible d’obtenir des effets variés, allant de la simple empreinte délicate à un modelé plus marqué, presque sculptural.
Le gaufrage est fréquemment utilisé dans le domaine du graphisme et de l’impression de prestige, notamment pour apposer un logo d’entreprise, des initiales, une illustration personnalisée ou un motif décoratif. Cette technique permet de conférer aux supports un effet raffiné et luxueux, en jouant sur la profondeur et la texture du papier. On la retrouve souvent sur des objets imprimés tels que les cartes de visite, les cartes de vœux, les faire-part ou encore les invitations, où le relief devient un véritable élément esthétique, apportant élégance et singularité à la composition.
Pour ma part, je souhaite à travers ce projet évoquer la fragilité, la trace éphémère d’un passé, qu’il soit proche ou lointain. Mon intention est de traduire visuellement ce qui disparaît tout en laissant une empreinte, un souvenir sensible. Lorsque l’on évoque la mer, l’imaginaire se tourne presque instinctivement vers la plage, lieu de passage et de transformation constante. C’est cette idée qui m’a inspiré : retranscrire la trace, l’empreinte laissée dans le sable, symbole à la fois de présence et d’effacement. Par le gaufrage, je cherche à capturer ce moment suspendu où la matière garde la mémoire d’un contact avant que le temps ne l’efface.
Cette trace sera perçue comme une sorte de fossile, une empreinte du passé conservée dans la matière. Elle évoquera ce qui a existé un instant avant de disparaître, laissant derrière elle un souvenir figé, presque archéologique. À l’image de la représentation de l’hippocampe, je souhaite intégrer à mes créations des éléments surréalistes et étranges, afin de détourner les caractéristiques réelles des animaux. Ces transformations permettront de brouiller les repères du spectateur, de faire naître des créatures hybrides, entre rêve et réalité, et d’ouvrir ainsi la porte à une interprétation plus poétique et symbolique de la nature.
Pour rappeler le thème de la mer et mettre en avant les traces que laisse le temps, j’envisage de recouvrir entièrement la couverture de mon livre de sable. Cette matière naturelle permettrait non seulement de créer un effet tactile et visuel fort, mais aussi d’ancrer immédiatement le lecteur dans l’univers de mon projet. Le sable, symbole d’éphémère et de passage, deviendrait ainsi un élément narratif à part entière, rappelant la fragilité des empreintes et la mémoire fugace des instants qui s’effacent progressivement.
Par conséquent, en ouvrant le livre, des animaux aquatiques surréalistes se révéleraient progressivement au lecteur. Cette conception du livre offrirait une multitude de possibilités créatives, donnant à chaque carte ou page un potentiel de recomposition et de surprise. Elle permettrait ainsi de maintenir un caractère ludique et interactif, qui s’adresse aussi bien aux jeunes lecteurs qu’aux adultes, favorisant l’exploration, l’imagination et la découverte à chaque manipulation.
Voici les premiers essais de dessin que je vais réaliser en gaufrage. J'ai déjà créé quelques têtes (une pieuvre, un hippocampe et un poisson lanterne) et quelques corps (un crabe, un homard, une méduse et un requin). Ensuite je viendrais réaliser mes images en volume à l'aide d'emballage cartonnés de céréales. Le but n'est pas de créer un animal aquatique déjà existant. C'est pour cela que je ne fais pas de tête avec le corps attitré, évitant ainsi la création de la créature complète.